La digitalisation de la procédure civile chinoise

Commentaire sur le nouvel article 16 de la loi sur la procédure civile de la République populaire de Chine

Le 24 décembre 2021, le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale a adopté la « décision du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale sur la modification de la "loi sur la procédure civile de la République populaire de Chine" ». Cette décision est entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2022 et a amené des modifications importantes à la procédure civile chinoise.

Parmi ces modifications, une modification remarquable est l’ajout dans la loi (loi sur la procédure civile de la République populaire de Chine) d’un article (article 16) concernant la digitalisation de la procédure civile chinoise. Le nouvel article 16 prévoit que « Avec l’accord des parties, les actions en procédure civile peuvent être menées en ligne par le biais de plateforme internet. Les actions en procédure civile effectuées à travers des plateformes en ligne, disposent de la même valeur juridique que celles qui sont effectuées hors ligne ».

Grâce à l’avancement de la nouvelle technologie et à la volonté du législateur chinois d’adapter les règles juridiques à un monde de plus en plus digitalisé, cette nouvelle disposition constitue une base juridique permettant de simplifier la participation aux actions en justice dans le domaine civil en Chine. Les dispositions de l’article sont brèves, mais elles nous permettent quand même de constater, d’un côté, un respect renforcé envers les parties dans la procédure civile (I) et d’un autre côté, une protection des parties adaptée au développement social (II).

I- Un respect renforcé envers les parties dans la procédure civile

En effet, avant l’adoption de la décision finale du 24 décembre 2021, l’amendement relatif à la loi sur la procédure civile de la République populaire de Chine a été modifié plusieurs fois. La version après le premier examen (du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale) de l’amendement n’a pas encore intégré dans l’article 16 la mention « avec l’accord des parties ». Cette mention a finalement été ajoutée au cours du deuxième examen de l’amendement, car le législateur voulait établir une règle favorable à la liberté et à l’autonomie de la volonté des parties. Cela permet d’illustrer que la protection des droits des parties est, pour le législateur chinois, un élément prioritaire à prendre en considération lorsqu’il compte améliorer l’efficacité de la justice en matière civile.

II- Une protection des intéressés adaptée au développement social

La décision du 24 décembre 2021 n’est pas le seul texte officiel chinois visant à préciser les règles concernant les audiences par un moyen de communication audiovisuelle. La situation de la crise sanitaire pousse la Cour populaire suprême chinoise à élaborer une interprétation judiciaire sur les audiences par visioconférence. Par conséquent, le 18 mai 2021, la Cour populaire suprême chinoise a adopté les « règles sur les contentieux en ligne des tribunaux populaires » (Fashi (2021) n°12). Cette interprétation judiciaire contient 39 articles et donne une possibilité aux chinois de faire le choix entre une audience classique et une audience par visioconférence, que ce soit pour un litige civil, administratif ou pénal. Ce texte est entré en vigueur le 1er août 2021, soit quelques mois avant l’adoption de la décision du 24 décembre 2021.

La Chine n’est pas le seul pays qui a avancé son travail de l’élaboration des normes sur le déroulement en ligne de la procédure civile face à un monde de plus en plus digitalisé. En France, selon l’article 25 de la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, sans préjudice des dispositions particulières du code de procédure pénale et du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (la modification de 2011 y ajoute le code de la santé publique), le recours à la visioconférence en matière judicaire est possible par décision du président de la formation de jugement, d’office ou à la demande d'une partie, et avec le consentement de l’ensemble des parties et sous condition que la confidentialité de la transmission soit garantie. Mais le recours à un tel procédé reste très encadré. Grâce à l’article 25 de la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit, l’article L111-12 a été créé dans le code de l’organisation judiciaire. Cet article est toujours en vigueur et sert de base juridique pour organiser une visioaudience devant une juridiction judiciaire. Si on compare les dispositions de cet article avec les règles chinoises du même domaine, nous allons constater immédiatement certaines différences, par exemple, en France, une visioaudience ne peut pas être réalisée sans avoir le consentement de l’ensemble des parties, mais cela n’est pas le cas en Chine. L’article 4 des « règles sur les contentieux en ligne des tribunaux populaires » prévoit une règle spécifique en cas d’existence d’une divergence de volonté des parties sur le recours à la visioaudience. Selon son alinéa 3, en cas d’une divergence de volonté entre les parties (une partie accepte une visioaudience et l’autre s’y oppose), la Cour populaire peut adopter une mesure adaptée aux besoins de chaque partie (c’est-à-dire, préparer une visioaudience pour celle qui l’accepte et une procédure classique pour celle qui ne l’accepte pas). Malgré les différences, il existe toujours certaines similarités entre les règles chinoises et les règles françaises, par exemple, que ce soit en France ou en Chine, une visioaudience ne peut pas être imposée par le tribunal.

Bien que la Chine ne soit pas le premier pays qui a commencé à digitaliser la procédure civile, le nouvel article 16 de loi sur la procédure civile constitue un grand pas vers la digitalisation de la procédure civile en Chine.

 
Kaihong WEI,
Doctorant du CEFF/IREA,
Faculté de Droit et de Science Politique, Aix-Marseille Université